Ces dernières années, les lois Egalim et Egalim 2 ont été votées pour protéger la rémunération des agriculteurs. Malgré cela, des insuffisances ont perduré… D’où le vote d’une loi dite « Egalim 3 », applicable (en grande partie) depuis le 1er avril 2023…
Loi Egalim 3 : un panorama des mesures à connaître
La négociation commerciale
Tout d’abord, sachez que les mesures relatives à la négociation commerciale entre les fournisseurs et les distributeurs sont désormais applicables de plein droit, dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français.
L’objectif de cette mesure est de contrer les stratégies de contournement du droit français mises en place par certains distributeurs, via la constitution de centrales d’achat internationales.
Ensuite, et pour rappel, les négociations commerciales dans le secteur agroalimentaire sont annuelles, bisannuelles ou triennales et doivent se terminer avant le 1er mars.
Jusqu’à présent, à défaut d’accord après cette date butoir, les fournisseurs devaient livrer les distributeurs aux conditions de l’année précédente, même si leurs coûts de production avaient augmenté.
Pour mettre fin à cette pression contractuelle, un dispositif expérimental va être appliqué durant 3 ans en cas d’absence de contrat signé au 1er mars : un délai supplémentaire d’un mois va s’ouvrir pour permettre une médiation visant à conclure un accord ou à définir les termes d’un préavis de rupture commerciale, sans que le distributeur ne puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale.
Par ailleurs, le fait de ne pas avoir mené des négociations de bonne foi, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat avant le 1er mars, est désormais qualifié de pratique restrictive de la concurrence.
En outre, il est dorénavant précisé que durant le préavis de rupture des relations commerciales, il faut « tenir compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties ». L’objectif est de réévaluer le tarif, notamment en période d’inflation.
Toujours durant le préavis, pour les produits alimentaires, le tarif applicable doit respecter le principe de non-négociabilité des matières premières agricoles.
Enfin, pour mettre fin à la pratique de certains opérateurs de la grande distribution qui consiste à faire pression sur les fournisseurs en ne respectant pas la date butoir du 1er mars, le montant des amendes administratives est revu à la hausse :
200 000 € pour les personnes physiques et 1 M€ pour les personnes morales ; en cas de récidive dans les 2 ans : 400 000 € pour les personnes physiques et 2 M€ pour les personnes morales.
Les pénalités logistiques
Jusqu’à présent, les conditions logistiques étaient souvent prévues dans une annexe à la convention générale devant être conclue avant le 1er mars.
Pour mieux protéger les fournisseurs, il est désormais prévu que la convention logistique, notamment les pénalités logistiques, doit être conclue dans un contrat distinct de la convention générale, non soumis au respect de la date butoir du 1er mars.
Les pénalités logistiques font également l’objet de plusieurs autres précisions :
leur montant est désormais plafonné à 2 % de la valeur des produits commandés ; aucune pénalité logistique ne peut être infligée pour l’inexécution d’engagements contractuels survenue plus d’un an auparavant ; le distributeur doit prouver l’existence d’un manquement et le préjudice subi, en même temps qu’il informe le fournisseur qu’un manquement a été constaté ; le Gouvernement peut suspendre, par décret, l’application des pénalités en cas de situation exceptionnelle affectant gravement les chaînes d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs.
Notez que les grossistes sont exclus du dispositif, du fait de leur position d’intermédiaire entre les fournisseurs et les distributeurs.
Enfin, il est maintenant prévu que les distributeurs et les fournisseurs doivent communiquer à la DGCCRF, avant le 31 décembre de chaque année, les montants qu’ils ont réclamés à leur cocontractant en matière de pénalités logistiques, ainsi que les montants réellement perçus. À défaut, ils encourent une amende de 75 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale. Les montants sont doublés en cas de récidive.
La révision des prix
Lors de la négociation de la convention générale, il existe une option qui consiste, pour le fournisseur, à faire intervenir un tiers indépendant qui va certifier que l’évolution de son tarif ne résulte pas de la variation du prix des matières premières agricoles : c’est ce que l’on appelle « l’option 3 ». Cette attestation doit être fournie dans le mois qui suit la conclusion du contrat.
Ce mécanisme est renforcé : désormais, une attestation doit aussi être fournie lors du début des négociations.
Par ailleurs, il est précisé que la clause de révision automatique des prix des produits alimentaires, qui doit figurer dans les conventions écrites conclues entre fournisseurs et distributeurs, se fonde désormais sur l’évolution des différentes matières premières agricoles composant le produit.
En outre, les évolutions de prix résultant de la clause de révision automatique sont dorénavant mises en œuvre au plus tard un mois après son déclenchement.
Autre point : il existe une obligation générale d’informer le producteur agricole, avant la livraison, du prix qui lui sera payé. Le problème est que cette obligation ne tient pas compte du cas spécifique des contrats à terme.
Dans ces contrats en effet, une partie du prix est versée avant même la livraison (pour financer l’ensemencement des céréales, par exemple), une partie du prix est versée le jour de la livraison, et un complément de rémunération est versé a posteriori. Son montant dépend du cours des marchés à cette date. Dès lors, il est impossible d’indiquer à l’agriculteur, en amont, le prix total et exact qui lui sera versé…
C’est pourquoi ces contrats sont désormais exclus de l’obligation d’informer l’agriculteur, avant la livraison, du prix payé.
Notez que dans le cadre de la loi Egalim 3, une mesure s’intéresse à un dispositif créé par la loi Egalim 2, dit « ligne à ligne ». Ce dispositif contraint les distributeurs à justifier les diminutions de tarifs négociées et obtenues de leurs fournisseurs, afin notamment de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un avantage accordé sans contrepartie.
Cette mesure, valable seulement pour les produits alimentaires, est étendue à tous les produits de grande consommation.
Enfin, et pour rappel, la loi Egalim 2 a créé un dispositif interdisant les discriminations tarifaires et contractuelles pour les contrats conclus entre les fournisseurs et les distributeurs, mais seulement pour les produits alimentaires. Ce dispositif est étendu à tous les produits vendus en grande surface.
Pour la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale
La loi Egalim a créé un dispositif expérimental : la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale (convention tripartite entre le producteur, le transformateur et le distributeur), afin de fluidifier les relations commerciales entre les acteurs de la chaîne agroalimentaire.
Ce dispositif expérimental est pérennisé.
Pour les promotions
2 mesures de la loi Egalim sont également prolongées :
l’encadrement des promotions jusqu’au 15 avril 2026 sur les produits alimentaires dans les grandes surfaces à 34 % de leur valeur et à 25 % en volume ; le seuil de revente à perte jusqu’au 15 avril 2025, qui oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires au minimum au prix où ils les ont achetés, majoré de 10 % (SRP+10) ; notez que les distributeurs doivent désormais communiquer aux autorités des informations précises sur l’usage qu’ils font du surcroît de revenu qu’ils tirent du SRP+ 10.
Par ailleurs, la loi étend l’encadrement des promotions à tous les produits de grande consommation, à compter du 1er mars 2024.
Loi Egalim 3 : de nouvelles évolutions en faveur des agriculteurs – © Copyright WebLex